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« Le choix du qualificatif de ce titre s’est fait par défaut, car on ne peut s’aventurer à mieux qualifier la relation entre Remy de Gourmont et Charles Filiger, ne disposant ni de la correspondance qui a disparu, ni de témoignages. Ce qualificatif, – fidèle –, correspond sans doute à plusieurs moments de sa vie, en particulier lorsque confronté à des difficultés, Filiger se tourne vers l’écrivain, l’une des rares personnes sur lesquelles il puisse compter, et qui lui sert de référent ou de soutien moral.

Filiger est bien connu des amateurs de Remy de Gourmont pour la gouache représentant Le Christ et la Vierge qui orne la couverture du Latin mystique : les poètes de l’antiphonaire et la symbolique au moyen âge dans son édition originale de 1892, pour le dessin Le Repos, reproduit en frontispice de L’Idéalisme dans son édition première de 1893 et pour le bois gravé Ora Pro Nobis, l’illustration de tête du premier numéro de L’Ymagier en 1894. De cette période date la dédicace du recueil Les Saintes du Paradis en 1893, en hommage au peintre :
« Hommage
À Filiger, là-bas dans sa maison des grèves,
À Filiger qui peint des fresques pour les cieux,
Et qui rêve en silence aux saintes dont les yeux
Sont calmes comme des lunes et cruels comme des glaives. »

Autant d’éléments qui induisent des relations fructueuses durant les années 1891-1894. La rencontre entre les deux hommes date de 1891. Avant cela, Charles Filiger, né à Thann en 1863, a sans doute été dessinateur-coloriste dans une manufacture en Alsace à l’exemple de son père. Il arrive à Paris vers 1886 et fréquente l’académie Colarossi où il rencontre Louis Roy, Paul-Emile Colin ou Daniel de Monfreid. Après une période durant laquelle il peint des œuvres sombres suivant une technique traditionnelle, il est séduit vers 1887-1888 par le néo-impressionnisme alors en vogue dans les ateliers. Il expose pour la première fois en 1889 au Salon des Indépendants deux paysages pointillistes qui seront remarqués par Félix Fénéon. Cette même année, il prête un paysage de Roy qui lui appartient à l’exposition organisée par Paul Gauguin, Claude-Émile Schuffenecker et Émile Bernard dans le Café des arts de l’exposition universelle, ce qui laisse à penser qu’il fréquente déjà ce milieu.
Il est probablement venu à Pont-Aven en 1888, mais sans participer à l’élaboration du synthétisme. Il y revient en 1889, séjournant quelque temps à l’hôtel Destais au Pouldu avec Gauguin, mais la vie commune avec celui-ci, Meijer de Haan et Paul Sérusier à la Buvette de la Plage, dans ce même hameau, ne commencera que durant l’été 1890. Il produit alors à la gouache diverses œuvres de petit format aux thèmes symbolistes, suivant une technique synthétiste que Gabriel-Albert Aurier remarque au Salon des Indépendants de 1890. Filiger devient alors l’une des figures du mouvement symboliste, exposant au Salon des XX à Bruxelles en 1891, à celui de la Rose+Croix à Paris en 1892, à celui Pour l’art à Bruxelles, la même année, et aux expositions des « Peintres impressionnistes et symbolistes » à la galerie Le Barc de Boutteville à Paris à partir de fin 1891.

La rencontre avec Remy de Gourmont date certainement du printemps 1891, à l’occasion d’un long séjour à Paris, la seule absence du peintre de sa Bretagne d’adoption entre 1890 et 1896 (on sait que l’écrivain n’est jamais venu à Pont-Aven ou au Pouldu). Remy de Gourmont remarque particulièrement son envoi au Premier Salon de la Rose+Croix qui a lieu à la galerie Durand-Ruel à Paris du 10 mars au 10 avril 1892. Il écrit à son propos avec enthousiasme1 : « Des Cimabue plus finis, plus poussés : l’âme des Primitifs, la foi d’un Angelico ; un amour pour les yeux, qui sont tout l’homme intellectuellement sensible ; des têtes, comme celle du Christ et de ses Anges, qui s’inscrivent pour toujours dans les prunelles, comme celle de cette Vierge à l’Enfant, Bretonne idéalisée en un prodige de naïve douceur ; à côté, une tête volontaire et perverse ; puis un enfant nu en prière, adorable d’innocence ; un Saint Jean-Baptiste prêchant, de quelle foi ! une Vierge aux anges, aux anges si volontairement purs ; voilà, avec beaucoup d’incohérence, quelques-unes des impressions que donnent les miniatures de Filiger. C’est un mystique, lui, et non d’imitation, de tempérament, un homme de foi et de charité en même temps qu’un artiste précieux et savant en théories. Le Christ aux anges est un chef-d’œuvre, et la Vierge bretonne la plus digne d’Ave Maria depuis celles que peignirent, pour leurs églises aimées, les derniers idéalistes flamands ».
La mention d’une relation amicale entre le peintre et l’écrivain se lit pour la première fois dans une lettre de Filiger en mai 1892 au peintre hollandais Jan Verkade2 où il essaye de convaincre celui-ci de revenir au Pouldu : « […] Comme m’écrit mon ami de Gourmont : «  mon âme me désole encore par de trop violents désirs… «, et toujours je serai pareil jusqu’à la fin. […] » Ces quelques mots rapportés laissent supposer que Gourmont est informé de ses difficultés existentielles, liées sans doute à ses tentations pédophiles et qu’ils ont échangé à ce propos.
Cette période est celle du lancement par Gourmont d’une souscription pour une édition de son Latin mystique. En juin, Filiger fait part à Verkade du choix pour la couverture d’une de ses œuvres, La Prière (ou Femme en prière), qui appartient à un collectionneur : « C’est ma petite femme à genoux. La Prière, que Remy de Gourmont a choisie pour orner son livre, le latin mystique. J’ai dû écrire au bonhomme [le collectionneur] pour l’autorisation de reproduction de la Prière, afin d’éviter tout malentendu à ce sujet. Il m’a répondu très gracieusement et est trop heureux de pouvoir me servir en cette circonstance ; il m’offre même l’envoi du tableau, si la chose était utile. Je ne vois pas cette utilité, une photographie coloriée suffira. » Mais c’est une autre œuvre qui sera choisie, peut-être en raison du fait que Filiger ne pouvait en disposer, ou de son format vertical, ou plus certainement parce qu’elle ne se prêtait guère à un traitement au trait plus simple pour l’imprimeur. Finalement le peintre dessine une image de format trapézoïdal, un format qu’il apprécie, montrant la tête du Christ et celle de la Vierge, réutilisant sans doute des dessins existants3. Il n’a sans doute pas été étranger à ce choix en raison de sa connaissance de la technique du pochoir lorsqu’il était apprenti dans une usine d’impression en Alsace. On a pu penser que Filiger avait exécuté à la gouache, à la main, chacun des 226 illustrations de l’édition de tête, mais il n’en est rien4. Dans une seconde édition, portant la même date, le dessin de Filiger sera repris en noir, avec des effets de trame.
Par la suite, Filiger sera considéré comme « l’illustrateur » de Gourmont : Marcel Schwob, dans le compte rendu du livre pour le Mercure de France en novembre 1892 (p. 240) écrit : « Avec le Latin Mystique, Remy de Gourmont dont j’estime infiniment le talent et la fierté de caractère nous apporte une œuvre érudite et singulièrement originale. Elle est rehaussée d’une admirable tête tracée par Filiger et une préface de M. J.K Huysmans la précède ». Antoine de La Rochefoucauld écrit au peintre au début de l’année suivante5 : « Vous allez faire encore de nouveaux chefs-d’œuvre pour Monsieur Remy de Gourmont. Je vous en félicite. Déjà la couverture en couleur du Latin Mystique était des mieux réussies. » Laurent Tailhade, sous le pseudonyme de Dom Junipérien dans le Mercure de France de novembre 1893 (p. 242-243) le présente comme « enlumineur habituel des Goncourt » et André Fontainas, dans le Mercure de France d’août 1897, écrit à son tour : « ... M. Filiger est toujours l’enlumineur de missel que l’on sait… »

L’année suivante, 1893, est celle d’une nouvelle collaboration. Filiger fournit à Gourmont une œuvre pour servir de frontispice pour l’édition de L’Idéalisme. Il reprend une gouache de 1891, Le Repos6, qu’il redessine au lavis suivant un camaïeu de gris7, correspondant mieux aux impératifs techniques. Bizarrement l’œuvre toute en longueur, dont le format contribuait à l’évocation de cette figure allongée, se retrouve dans le sens vertical, obligeant le lecteur à tourner le livre pour comprendre l’illustration. Un choix qu’il faut peut-être mettre sur le dos de l’éloignement et sans doute du manque d’implication de Filiger qui entreprend de couper les relations avec le monde extérieur.
Cette même année, Gourmont écrit Les Saintes du Paradis dont la première partie paraitra dans L’Ymagier n° III d’avril 1895 (p. 198) avec la simple mention : « A Filiger ».

En 1894, Remy de Gourmont élabore avec Alfred Jarry le projet de L’Ymagier et pense à Filiger. Jarry a déjà vu des œuvres de celui-ci à la Sixième exposition des peintres impressionnistes et symbolistes à la galerie Le Barc de Boutteville et a écrit quelques lignes à leur propos8. Il en a par ailleurs entendu parler par son ami Léon-Paul Fargue qui lui a rendu visite au Pouldu en septembre 1893. Jarry se propose de s’y rendre et demande à Fargue de l’introduire. Mais Filiger est sur ses gardes, suite à un incident avec ce dernier9, et oppose un refus, tout en référant à Gourmont10 : « Seulement pour éviter que pareil cas revienne, je me suis en tête de ne plus recevoir personne à part les amis tout à fait intimes – et c’est pourquoi votre ami Jarry est mal venu en voulant me faire une visite ; et pour tous ceux qui viendront après lui je ferai de même. Inutile de parler plus. – j’espère que vous vous en tiendrai [sic] là – connaissant toute ma pensée. Ne m’apprenez donc plus rien – de vous ni des autres à l’avenir – ça ne vous servirait à rien – car je n’en ferai aucun cas. J’écris à Gourmont en même temps qu’à vous et à peu près la même chose. »
Remy de Gourmont a sans doute joué le pacificateur car finalement Jarry vient le voir au Pouldu. La première lettre qui suivra en août donne le ton11 : « Pardonnez-moi si je n’ai répondu plus vite à votre lettre. Faites donc comme il vous plaira pour le Mercure, mais je n’ai absolument rien sous la main, rien à vous donner qui pourrait vous servir. Ne mettez rien en tête de votre article, ou demandez à Remy de Gourmont la petite vierge faite à son intention sur une lettre il y a de ça deux ans je crois ? Je ne vois pas d’autre chose. Rien de neuf à vous apprendre, mon cher ami. Faites mes bonnes amitiés à R. de Gourmont et à vous l’assurance de ma sympathie bien sincère. »

Finalement Jarry écrit un article important sur Filiger dans le Mercure de France de septembre 1894. La différence entre le manuscrit12 et le texte imprimé montre une intervention de Gourmont qui fait intégrer des fragments de lettres reçues de Filiger :
« On connaît la sainte couchée entre les pages, longues comme ses mains, de l’Idéalisme de M. de Gourmont, et les deux têtes, Christ et Vierge, enluminure du Latin Mystique. –
Mentionnons pourtant deux de ces visions encore inconnues : l’une parce qu’elle n’est point terminée (qui rejoindra un de ces jours la Sainte Cécile chez le Barc : une famille de Bretons, des figures plus grandes qu’à l’ordinaire) ; l’autre sur une lettre à M. de Gourmont, voici deux ans, un bien vrai Filiger : je découpe deux morceaux au hasard de l’encadrement, car on sait que Filiger, œuvres assez reconnaissables, les aime signer en plus sur la bordure (j’ai gardé sa ponctuation rythmée de lied) : « la petite vierge en tête de ma lettre a été faite à votre intention, voilà quelques jours déjà… Vous voyez que je n’ai pas attendu de recevoir de vos nouvelles pour penser à vous ? Elle chantera, une fois encore, à vos oreilles les noms immortels de Duccio et de Cimabuë – ces noms qui vous sont chers ! – Je suis loin, bien loin de ces génies, mais Dieu a peut-être mis quelque chose, de leur cœur en moi ?
…Le trouble, ou la passion que je ressens devant mon travail, m’engourdit souventes fois l’esprit et les membres au point de me laisser dans le désœuvrement pendant plusieurs jours ; mes mains ont comme peur de toucher au Rêve, et pourtant il nous faut bien descendre, par charité pour nos semblables, jusqu’à la peine d’atteindre la réalité du Rêve. « »

Bien que n’étant pas graveur, Filiger sera à la place d’honneur dans le premier numéro de L’Ymagier, par un dessin Ora Pro Nobis. Cent tirages seront colorés à la main pour les tirages de tête sur différents papiers. A plusieurs reprises dans les numéros suivants, il est fait mention de lui à propos d’expositions ou d’éditions, ainsi que pour la prochaine édition d’un « Album de l’Ymagier » qui lui serait consacré, mais le projet sera sans suite.

Une autre lettre de Filiger à Jarry témoigne de relations amicales avec Gourmont13 : « Rien de plus là-dessus. Je compte sur votre bonne amitié pour m’être utile, et je vous serre cordialement la main dans l’attente de bonnes nouvelles. Amitiés à R. de Gourmont, S.V.P ».

À l’automne 1895, Armand Seguin informe Jarry de la situation préoccupante de son ami14 : «  Il me reste à vous parler, mon cher Jarry, de ce pauvre Filiger qui est très malheureux au Pouldu. J’ai fait et je fais encore le plus possible pour lui. Je l’aime et je le plains sincèrement. Grâce à Dieu ! Je ne suis pas encore arrivé à dire comme certains amis que cette situation lui fera du bien, le fera travailler, le remuera. Combien de fois ne m’a-t-on pas dit : ce sera une bonne chose que Seguin crève de faim, opinion que d’ailleurs je ne partage pas du tout. O’Conor, je crois, aide aussi Filiger de son côté ; mais il lui faudrait une somme de douze cent francs pour se tirer complètement d’embarras. Voilà la lettre qu’il m’a écrite : vous verrez que lors de mes affaires embrouillées, je lui avais parlé des bons services que Madame de Courrière m’avait rendus ; il voudrait emprunter cette somme nécessaire sur la fortune de son père : cela est-il ou n’est-il pas possible ? Veuillez donc remettre cette lettre à Madame de Courrière et m’excuser du dérangement que je lui donne à nouveau. D’ailleurs je lui écrirai demain.» On ne sait si cette demande d’aide a été l’un des épisodes de cette mauvaise plaisanterie lancée par Rachilde et Jean de Tinan sur le dos de Jarry et de l’égérie de Gourmont. Comme on le sait, elle tournera mal et conduira à la rupture entre les deux écrivains. Filiger en sera pour ses frais, mais ses relations avec Gourmont n’en seront pas altérées.

Les années suivantes correspondent à un isolement progressif que le peintre s’inflige. Les voyages à Paris sont rares. En 1901, il n’y voit que deux personnes, un peintre, Roy, et un écrivain, certainement Gourmont, les seules personnes en lesquelles il a une certaine confiance.
Le nom de Gourmont n’apparaît que rarement dans la correspondance, comme en 1903, après l’annonce de la mort de Gauguin. Dans une lettre à Roderic O’Conor du 29 novembre 1903, il écrit15 : « Je n’ai pas eu la lettre du Mercure. Gourmont voulait donner une de mes lettres où je parle de Gauguin, et je l’ai prié de n’en rien faire, de là je dois être regardé comme un frère ennemi, par Morice et autres… » ou en 1904 dans une correspondance à Claude-Emile Schuffenecker16 : « Je m’efforce de marcher vers ce but radieux, et si mon âme – comme m’écrit Remy de Gourmont– me désole encore par de trop violents désirs – je la réincarnerai dans d’autres œuvres encore – je l’assagirai – sans jamais ni humilier sa dignité – ni amoindrir sa Force, ni déviriliser sa puissance génitrice. » En 1907, dans une lettre à son frère Paul17, il évoque une de ses œuvres, La Légende de l’éternité, qu’il lui destine : « Depuis un moment je suis à remanier ma malheureuse Légende d’il y a 2 ans ; elle dormait chez Gourmont et j’ai cru bon de la faire revenir, afin d’ajouter à l’ornementation qui me semblait insuffisante, pour le sujet. »

Dans une période parmi les plus dramatiques de sa vie, en 1909-1910, ses regards se tournent encore vers son ami Remy de Gourmont, auquel il associe toujours Jean de Gourmont. En pleine rupture avec Schuffenecker le 22 février 1910, il lui demande de rendre les œuvres qu’il a en dépôt et de les remettre aux frères Gourmont18 : « Vous seriez seulement gentil de faire porter tous mes dessins s.v.p. à mes bons amis J. et Rémy de Gourmont qui demeurent aussi à Paris, 71, rue des Sts Pères et je dois 50 fr à Rémy depuis près de deux ans : ça servira à m’acquitter à son égard et c’est tout ce que je désire. » Ce qui veut dire que Filiger s’est endetté auprès d’eux vers 1908. Schuffenecker a-t-il transmis les dessins19 ?
Malgré ces relations de confiance, Remy de Gourmont confie en 1898 à Georges d’Espagnat le soin d’illustrer les Saintes du Paradis. Sans doute considérait-il, à juste titre, que son pauvre ami Filiger était incapable de mener à bien une telle tâche, d’autant plus qu’il ne pratiquait pas la technique de la gravure sur bois. Quelques années plus tard, en 1913, lorsqu’il s’agira de rééditer Le Latin mystique chez Crès, il fera appel à Maurice Denis pour un frontispice qui n’aura pas la force de l’illustration de la couverture de Filiger.
Les années passent et Filiger s’enfonce volontairement dans la misère et l’isolement. Après n’avoir pu se faire interner à l’hôpital de Saint-Avé ni entrer à la Trappe de Timadeuc, il erre durant huit ans dans le Morbihan, d’auberge sordide en hospice.
Vers 1910, il s’intéresse au thème de Marcelle, l’une des saintes du recueil de Gourmont, Les Saintes du Paradis. Sur son dessin qui reprend l’idée des pétales dans les cheveux, il écrit les vers du poème20 . On ne sait s’il s’agissait d’un projet d’illustration.
Un peu plus tard, après 1915, Filiger dessine le portrait de Remy de Gourmont21 , portant alors la bure de camaldule et la calotte ecclésiastique. L’œuvre est réalisée suivant le principe de ce qu’on appelle les « notations chromatiques », c’est-à-dire un réseau dessiné à la règle et au compas entourant le sujet. A l’extérieur, selon son habitude, il écrit quelques mots difficilement déchiffrables sans rapport avec le sujet : «+ Rév. mat. [?]/ op. 6/ note/ ensemble gris/ et coloré/ unitairement/ M.B [?]/ Pousser/ plus avant/ quant à / l’unité/ Aarom [ou Avrom? ou Aaron?] et compléter/ math/ revoir [?]/ le motif/ raison d’unité [ou uxietr ?]/ plus uniforme/ici/ question de la / progression/ tout simplement/ progression/ positive ». Il s’agit du seul portrait identifié dans cette série de « notations prophétiques ». On ne sait s’il appartenait à une série et dans quelles circonstances il a été réalisé.

La dernière mention de la relation entre les deux hommes date de 1932. L’érudit Charles Chassé, qui le premier s’était intéressé à l’histoire de l’Ecole de Pont-Aven22 est contacté cette année-là par la famille Le Guellec qui a hébergé Filiger de 1915 à sa mort en 1928. Elle cherche à entrer en relation avec d’éventuels acquéreurs des dessins laissés par le peintre. Dans ses lettres23, elle dit quelques mots à propos de son hôte, rapportant en particulier qu’il recevait régulièrement des lettres de quelques correspondants, mentionnant les noms d’Antoine de La Rochefoucauld et de Remy et Jean de Gourmont. Preuve d’une fidélité dans l’amitié jusqu’à la fin, malgré l’isolement volontaire du peintre. »

 

1- « Les premiers salons : Rose+Croix  », Mercure de France, mai 1892, p. 64.
2- Toutes les lettres de Filiger à Verkade sont conservées dans les archives de l’abbaye Saint-Martin à Beuron, Allemagne.
3- La tête de Christ est celle d’une gouache Tête de Christ aux cheveux de flamme, sans qu’on sache laquelle précède l’autre ou et la tête de la Vierge se retrouve dans plusieurs œuvres de l’époque comme le Saint Jean-Baptiste bénissant ou la Déploration du le corps du Christ (collections particulières).
4- Un technicien de la gravure a repris son dessin, dont les lignes ont été imprimées en noir sur la couverture puis rehaussées à la gouache suivant la technique du pochoir. Les différences qui ont pu faire penser à une réalisation individuelle proviennent de l’usure de la reproduction ou de l’exposition à la lumière de la couverture de chaque volume, d’autant plus que la mention des tirages dans la revue indique « miniature copiée à la main » peut prêter à confusion. Il faut avoir recours à un exemplaire comme celui de la collection d’Octave Uzanne (collection particulière), protégé dès l’origine par une reliure, pour avoir une idée de l’édition originelle. Par ailleurs Filiger ne parle jamais de la réalisation des illustrations de ces couvertures, alors qu’il correspond abondamment avec Verkade qui vient le voir à deux reprises durant cet été 1892 : il est impossible qu’il ait fait à la main un tel travail répétitif sans en parler.
5- Transcription dans le centre de documentation du musée de Pont-Aven.
6- Collection Recchi-Altarriba, Paris.
7- Collection du musée des beaux-arts de Quimper.
8- « Minutes d’art I », Les Essais d’art libre, février-mars 1894 p.40-42.
9- Fargue aurait abusé de Filiger, lui extorquant des œuvres et une autorisation de récupérer des œuvres à la galerie Le Barc de Boutteville. Il se serait aussi approprié des œuvres d’O’Conor, puis aurait quitté la Pension Gloanec de Pont-Aven sans payer sa pension. La gendarmerie l’arrêta au moment où il prenait le train à Quimperlé. Filiger en sera vivement perturbé. La correspondance de Filiger à Fargue a été publiée par Laurent de Freitas dans « L’Etoile-Absinthe », n° 103-104, hiver 2004, Léon-Paul Fargue et Alfred Jarry, Autour d’une même passion pour la peinture, 1892-1894, p. 8-30, actes du colloque de 2003.
10- Laurent de Freitas, Léon-Paul Fargue et Alfred Jarry, 2004, op. cit., p. 23.
11- « Belles lettres, cahiers du collège de Pataphysique », dossier 22-24, 7 septembre 1963, Lettres de Charles Filiger à Alfred Jarry, présentées par Emmanuel Peillet, p. 10.
12- Paris, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.
13- « Belles lettres », 1963, op.cit., p. 11.
14- Lettre du 19 septembre 1895, dans « Belles lettres », 1963, op.cit., p. 12.
15- Collection particulière, transcription dans le manuscrit d’Henri de Parcevaux, « Une correspondance inédite sur l›école de Pont-Aven›, juillet 1966, Centre de documentation du musée de Pont-Aven.
16- Collection du musée des beaux-arts de Quimper.
17- 1er janvier 1907, Gouarec, musée départemental Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye.
18- Idem.
19- Aucune information ne permet de connaître les œuvres de Filiger ayant appartenu aux frères Gourmont.
20- Collection particulière. Il en existe une autre version plus aboutie mais sans le poème au Département des arts graphiques du musée du Louvre, collection du musée d’Orsay.
21- Collection du musée départemental Maurice-Denis, Saint-Germain-en-Laye. La provenance du dessin n’apporte aucune information sur son origine.
22- Sa première étude est « Gauguin et le groupe de Pont-Aven », édité par Floury en 1921.
23- Centre de documentation du musée de Pont-Aven.