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« C’est avec Gauguin que je connus Filiger. Une figure de gros poupon rouge, aux yeux malicieux et rieurs. Courteau, ventru, monté sur de petites jambes qu’il remuait d’une étrange manière, tel est au physique cet artiste original, qui eût une influence et que l’on oublie.
Précurseur de la Rose Croix du Sâr Péladan, admirateur passionné des Florentins et du Vinci, ce Fra Angelico moderne donne une impulsion à la peinture mystique, aux recherches vers les Primitifs.
De soin métier, dessinateur en étoffes, il avait suivi les cours de l’Ecole des Arts décoratifs. Alsacien de naissance, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, c’est vers l’italianisme qu’il porta ses préférences ; la grâce, la délicatesse de ces artistes le charmait plutôt que la rudesse et l’âpreté des maîtres d’Outre-Rhin.
Je me souviens que lors de nos longues discussions pendant les soirées d’hiver passées dans ce pays perdu du Pouldu où il était resté après le départ de Gauguin pour Tahiti, son admiration pour Hans Holbein était grande et que peut-être eut il porté vers lui ses préférences. Avec quel éloge parlait-il du Christ mort du musée de Bâle !
Son esprit philosophique contrastait avec ses goûts latins.
Il travaillait lentement, esquissant mille projets, dessinant des morceaux, des têtes, des mains, une jambe, qui lui servaient à terminer les minuscules décorations, les compositions naïves, enfantines, souvent interprétation de vieilles images d’Epinal.
Simplifiant, de traits il cernait ses figures, ses paysages et remplissait de quelques tons, le tout gouaché sur cartonnage.
Artiste curieux, je donne tous ces détails parce que ces procédés servirent à de nombreux suiveurs qui crurent être ingénus en les imitant.
Moine laïque et combien, il avait rénové non la peinture religieuse, mais le mysticisme en une époque qui ne le pouvait comprendre. »